Une vieille légende veut que le téléphone des actrices américaines cesse progressivement de sonner à partir de leur quarantième anniversaire, jusqu’à ne plus sonner du tout lorsqu’elles atteignent le cinquantième. Selon cette même légende, il n’y aurait de place à Hollywood que pour une seule actrice cinquantenaire.
En regardant les Emmy Awards dimanche soir, j’ai réalisé que cette légende n’était pas du tout une légende.
C’est Jessica Lange qui a remporté l’Emmy de la meilleure actrice dans un téléfilm pour son interprétation apparemment grandiose de Big Edie Bouvier Beale dans l’adaptation (supposément excellente) par HBO de Grey Gardens. Je suis ravi pour Jessica (qui ferait bien de mettre la pédale douce sur le botox tout de même), et MERCI HBO, vous êtes les meilleurs du monde, heureusement que vous êtes là pour rehausser le niveau de la télé, et blablabla… Mais juste une question: pourquoi est-ce qu’on doit se manger des connasses inutiles et interchangeables comme Katherine Heigl, Michelle Monaghan ou Jessica Biel au CINEMA pendant que JESSICA LANGE croupit à la télé?
Déjà, pourquoi ce film n’a-t-il pas été distribué au cinéma comme cela était prévu à l’origine du projet? Parce qu’aucune des deux actrices principales ne fait bander John Q. Public? Mais depuis quand le cinéma est-il sommé de ressembler à un dépliant Playboy? Et pourquoi ne mettrait-on pas plutôt les pétasses derrière le petit écran pour rendre le chaland heureux pendant qu’il bâfre sa pizza, et les grandes actrices dans des grandes salles, comme il se doit?
Et surtout, pourquoi Robert de Niro, complètement sénile et jouant avec les deux mêmes grimaces depuis une bonne quinzaine d’années, se voit encore offrir des premiers rôles à plus de 65 ans? Pourquoi Anthony Hopkins et Morgan Freeman, tous deux en pilote automatique depuis un bail, sont-ils aussi sollicités, malgré leur 72 ans d’âge?
Les grandes actrices ayant dépassé la cinquantaine ne manquent pas; ce qui manque, ce sont plutôt les rôles. Jugez par vous-même: dans la même catégorie, face à Jessica, Ripley herself, Sigourney Weaver, dont le dernier grand rôle remonte à 1997 dans The Ice Storm (allez, 1999 dans Galaxy Quest si je suis d’humeur généreuse) et la légendaire Shirley MacLaine, qui n’a véritablement été bien utilisée qu’une fois ces 20 dernières années (In Her Shoes, en 2005). Je les entends déjà pleurnicher quand elle aura passé l’arme à gauche, ces hypocrites:
Shirley MacLaine était unique, irremplaçable, l’une des dernières vraies stars du grand Hollywood! Quelle perte pour le 7eme Art! Jamais personne ne lui arrivera à la cheville!
ALORS PROFITEZ-EN PENDANT QU’IL EST ENCORE TEMPS ET FAITES-LA TOURNER BORDEL!
Vous me direz, ce sont des telefilms, des one-shots, presque du cinéma finalement. Mais quid des séries?
Dans les catégorie actrice de séries, une hécatombe de déesses perdues pour le cinéma:
Glenn Close, qui, après avoir regné sur les années 80 avec la Streep (5 nominations aux Oscars en 7 ans), n’a jamais plus retrouvé de rôle à sa mesure, se laissant peu à peu typecaster par Hollywood dans des emplois de gorgones démoniaques, jusqu’a ce que la chaîne FX ne lui construise une série un cercueil dans lequel elle pourra continuer à jouer la gorgone démoniaque jusqu’à la fin de ses jours. En montant sur scène chercher son deuxième Emmy pour Damages, Glenn a clamé fièrement que ce personnage était probablement le rôle de sa vie (note à Glenn: revoir Les Liaisons Dangereuses).
Face à elle, entre autres, Sally Field et Holly Hunter. HOLLY HUNTER. Savez-vous seulement ce que cette femme est capable de faire? Avez-vous vu Broadcast News, Arizona Junior, Thirteen, Crash, Living Out Loud, LA PUTAIN DE LEÇON DE PIANO??? Une actrice de cette trempe dans une série de deuxième ordre, ça ne fait mal au coeur à personne, quand cet abat-jour de Jennifer Aniston enfile autant de comédie romantiques qu’elle le désire?
Et dans la catégorie comédie, ma jubilation de voir gagner Toni Collette, l’une des toutes meilleures actrices contemporaines, qui me ravit depuis à peu près quinze ans, fut fortement tempérée par le fait que depuis que sa série, United States of Tara, a démarré, elle n’a plus aucun projet ciné. D’autant que si elle est effectivement spectaculaire dans ce rôle de femme aux multiples personnalités, la série elle-même, crée par Diablo Cody, l’auteur de Juno, ne vole pas très haut. Il est rassurant de voir que la télé américaine est là pour offrir des rôles complexes à de actrices singulières, mais pourquoi n’est-ce pas le cinéma qui s’y emploie?
Du côté des seconds rôles, des lumières du théâtre qui n’intéressent pas grand-monde à Hollywood (Cherry Jones, Janet McTeer, Kristin Chenoweth) et une flopée des grandes actrices de cinéma criminellement sous-employées (Dianne Wiest, Marcia Gay Harden), à l’image de la lauréate du prix du meilleur second rôle pour un téléfilm, Shohreh Aghdashloo. Qui est cette personne au nom imprononçable, me direz-vous?
Une actrice iranienne, qui fut brièvement une star dans son pays en tournant notamment avec Kiarostami, avant que la Révolution des barbus mal lavés ne la contraigne à fuir pour l’Angleterre en 1979. Ca n’est qu’en 2003 qu’elle refit surface, dans House of Sand and Fog (jamais distribué en France, forcément), où elle était phénoménale en épouse éplorée de Ben Kingsley. Après sa nomination à l’Oscar du second rôle plus que méritée, j’ai attendu en vain la suite. Miniscules rôles de-ci de-là, et finalement, récupérée par la télé, d’abord dans 24 Heures, puis dans ce House of Saddam qui lui a valu un Emmy.
Regardez cette femme. Dites moi si elle n’est pas belle, sexy, élégante, et si elle n’a pas une des voix les plus magiques qu’il vous ait jamais été donné d’entendre.
Si j’ajoute à tout cela qu’elle a un talent immense, et vous pouvez me croire sur parole, vous allez me demander: pourquoi ne la voit-on pas au cinéma?
Réponse: parce qu’elle a 57 ans.
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