Thursday, December 31, 2009

Vincere

J’avais été prévenu. Une amie m’avait mise en garde. Tout d’abord, comprenant mon intérêt pour le film et le cinéaste, elle s’était tue, mais la pression était trop forte et elle finit par exposer son ennui et son irritation face à la dernière réalisation de Marco Bellocchio. Et puis, finalement, dans un petit cinéma gardois, deux jours après Noël, nous nous décidâmes à aller nous mesurer à Vincere. A sa grande surprise Miss J. se retrouva en accord avec cette amie qui pourtant ne partage souvent pas les mêmes goûts qu’elle. Elle détesta, honnit cette expérience. Elle l’exprimera avec hargne et talent ci-dessous.

J’ai beaucoup aimé.

Que dis-je, j’ai été renversé par tant de talents et de beauté. Je vais avoir du mal à parler d’une œuvre que j’ai trouvé d’une richesse et d’une esthétique époustouflante. Chaque plan, chaque image est une photo d’une qualité, d’un équilibre, d’une profondeur qui m’a impressionné. Les acteurs sont exceptionnels. La mise en scène est sincère, originale et intensément évocatrice. L’ensemble est une œuvre superbe qui expose les thèmes qui accompagnent Bellocchio depuis les débuts de sa carrière, un manifeste et une analyse de l’Italie d’alors et de l’Italie contemporaine, un opéra mélodramatique plus touchant encore que Madame Butterfly.

Depuis Les Poings dans les poches (1965), Bellocchio, révolté, incisif explore deux thèmes principaux : l’aliénation de l’individu par les institutions sociales, en particulier l’Eglise et les rapports difficiles à la mère, qu’il juge souvent coupable alors qu’elle est sanctifiée par la société, comme par exemple dans la Nourrice (1998) ou Le Sourire de ma Mère (2001). Vincere expose avec maestria les obsessions du réalisateur. Ce film raconte l’histoire d’amour de l’Italie avec le fascisme à travers la déception amoureuse tragique d’Ida Dalser (Giovanna Mezzogiorno) avec Benito Mussolini (Filippo Timi). Aveuglée, elle s’offrira entièrement à lui et à toute cause qu’il souhaite défendre sans comprendre qu’il est plus Narcisse que Romeo. Elle lui donnera son honneur, son argent et un fils (Filippo Timi encore). Cet amour absolu et la volonté de préserver sa pureté en dépit de tout, mène Ida à tout sacrifier, jusqu’à sa famille, jusqu’à sa vie, jusqu’à son fils, qui ne se remettra pas non plus de l’incarcération de sa mère et de l’omniprésence absente de son géniteur.

Le travail des acteurs est remarquable, il est étonnant qu’aucun des deux rôles principaux n’aient été récompensés lors du festival de Cannes d’où le film est reparti bredouille. Giovanna Mezzogiorno incarne avec une telle passion, une telle fougue et une telle rage Ida Dalser qu’il est impossible de l’ignorer. Son talent et sa beauté sont éclatants et rappellent les plus grandes vedettes. L’intensité de son regard fait notamment penser à Romy Schneider dans ses plus beaux rôles. Filippo Timi est impressionnant dans son rôle double du père et du fils, et dans sa caricature de lui-même. Mussolini ou l’homme qui voulait devenir une statue de son vivant, plaisir que Bellocchio lui offrira. La scène d’amour entre Ida et Mussolini est marquante et inconfortable, tant l’abandon et la passion de l’une rencontre la dureté et l’autosatisfaction marmoréenne de l’autre.

Le soin apporté à la lumière est étonnant, on remarque que chaque fois qu’Ida est dans la lumière, Mussolini est dans l’ombre et réciproquement. Ce choix ajouté au lyrisme furieux de la composition musicale de Carlo Crivelli accentue les parallèles évidents à l’opéra et les références à l’expressionisme, en particulier celui du cinéma allemand. Le constant va-et-vient entre l’histoire intime d’Ida Dalser et l’insertion d’images d’archives (discours du Duce, slogans futuristes barrant l’écran, transes collectives, mais aussi extraits du Kid de Chaplin ou d’Octobre, d’Eisenstein) témoigne de la passion, de la folie, des émotions qui traversent alors la Péninsule. Bellocchio, quitte à brutaliser un peu son spectateur, appuie grâce à cette forme choisie la volonté nette de subjugation et de fascination que souhaite tout système fasciste.

C’est peut-être là la partie la plus faible du film car la symbolique utilisée par le réalisateur est parfois lourde : le spectateur comprend vite qu’Ida Dalser est une figure de l’Italie, victime consentante des histrions et bateleurs actuels avides de pouvoir. Il saisit aussi aisément la gêne qu’éprouve Bellocchio devant le culte de la personnalité, l’envie de célébrité et le remplacement de la réflexion et du débat par l’image et l’émotion. Mais ces moments parfois soulignés ou didactiques m’ont semblé faire partie de l’ampleur et de la grandiloquence que l’on attend d’un opéra exposant notre emprisonnement dans une société de spectacle et de séduction, et l’inconfort de la révolte, stupide et sanguinaire si sans nuances, rapidement étouffée par les petites compromissions et les douces lâchetés de tout un chacun.

Reste la beauté d’une femme, sa folie, sa douleur. Son incompréhension que la volonté inaltérable de son amant s’accomplisse tandis que la sienne tout aussi trempée la mène d’exils en camisoles.

J’ai été ému. J’ai été touché. J’espère que vous aussi, vous irez, et vous le serez.

Ida Dalser, the heroine of this Italian film based on real life historical events and directed by the eminent Marco Bellocchio, has unfortunate taste in men. She likes them intense, dramatic, ruthlessly single minded and, it soon turns out, on a fascist dictatorial political mission, dragging their nation into a bellicose, bloody maelstrom. She falls heavily in love with Benito Mussolini at first sight after taking wicked pleasure in witnessing him rouse a crowd to baying fury when, instead of delivering a traditional political speech, he ‘disproves’ religion by challenging God to strike him down within five minutes. The crowd do their best to do the job on behalf of God after the time lapses and he remains intact, but he successfully struts off to other things – why is there never a handy statue of a cathedral around when you need one?

In time, the beautiful Ida and Mussolini embark on a passionate affair. They indeed are both unconditionally in love: with him. She sells almost everything she owns so that he can set up the newspaper that proved so crucial to his political rise, Il Popolo d’Italia. He fathers her son, the only person in this film I could truly sympathise with by its conclusion. He loses interest with Ida rather hastily when she starts to get in his way, amongst other things because he has another wife and her instance on claiming him as her own starts to make him look bad in front of the Church. (It’s never entirely clear in the film if he also married Ida at some point or not: it’s a moot point). Despite his gradual metamorphosis into a brutally terrorising piece of dictatorial work, Ida refuses to let go of her passion for the man she thinks she still knows. The rest of the film shows in great depth just how far she’s prepared to hold on against hope, to the extent that she ends up locked in a mental hospital for her trouble. She would rather hold on to the original narrative she’s pinned to him, which come what may, she will not let go – Mussolini is just testing her, only she understands him, it’s all been a horrible misunderstanding, nothing can stop her, she will never give in. Ever!! She throws pamphlets wildly into the snow from behind steel bars, screams into the night sky. Loses all contact with her son, who ends up in an orphanage and later a mental hospital, too.

This film set Francophone against Anglophone reviewer in quite a major, if bien sûr cordial, way. Monsieur D adored this film. I recall summing it up on exiting the cinema as ‘shit’, and was genuinely surprised that he was surprised. Perhaps on account of being British, or for other reasons less liable to get me into hot water for cultural caricaturising, I rarely take at all well to such undiluted primal emotion backed up by an intense, relentlessly clanging and overdone operatic soundtrack. Except perhaps when I indulge in a little of my own in real life of course, when decades of cultural emotional repression are abruptly undone through temporary fatigue, outright illness or a pre-Christmas metro trip, and my true anguished primal soul bursts through in a thoroughly undignified fashion, only to be disowned at the soonest possible opportunity. But I can’t actually condone revelling in that kind of thing! Can’t recognise it as potentially a thing of beauty! It’s messy, non?!! The film revels in the excesses of unbridled obsession. Luxuriates in it, without the slightest breathing space or attempt to counterbalance. Within three minutes of it starting, I really thought it was time for everyone to calm down and urgently acquire a sense of perspective.

I’d hoped for an interesting, credible and psychologically revelatory exploration of an individual’s descent into insanity, perhaps against her own valiant attempts to fight it, not the protracted, horribly unsubtle sturm und drang of someone’s headlong dash into a life-long tantrum at a failed obsession based on a languid glance across a room. An exploration of the thin folds that separate outright madness from intense but lucid suffering. Instead, the story grinds forth like a steamroller, without deviating for a second from a few basic dynamics of thwarted and flawed desire which are all but abundantly clear within the first few minutes. It makes for one of the most overblown, caricatural, pedantic, grating films I’ve seen for a very long time. Above all it felt like a missed opportunity, with an incredibly over-the-top soundtrack relentlessly thumping out on top of the visuals, failing so consistently to venture into more subtle territory that it can only have been deliberate. The actors toe this operatic line perfectly, which is presumably what they were asked to do, so they cannot particularly be faulted, especially regarding the impressive lead roles elegantly played by Giovanno Mezzogiorno (Ida) and Filippo Timi (Mussolini – both father and son). But all in all there’s far too much heavy-handed symbolism, nay crashing cymbal-ism –, which one can either find bombastically impressive, or thoroughly tiresome, much like Mussolini himself. Statue of a cathedral, anyone?

[Via http://franglaisreview.wordpress.com]

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